RDC/Le pouvoir d’achat et la monnaie nationale,quand le franc congolais se renforce,mais que les congolais s’appauvrissent

Par Jonathan Tsobo Dituvanga

Ces dernières semaines, la Banque Centrale du Congo a annoncé que le franc congolais s’était apprécié de près de 10 % face au dollar américain. Sur le papier, cette évolution semble positive. Mais dans les marchés, dans les ménages et dans les salaires, le pouvoir d’achat ne s’améliore pas. Ce contraste met en lumière un paradoxe : comment une monnaie peut-elle se renforcer alors que la vie quotidienne reste de plus en plus chère ? Derrière les chiffres et les discours officiels, une réalité s’impose : la valeur du franc congolais ne se mesure pas dans les bilans, mais dans le panier du citoyen.

Chantal, vendeuse au marché de Gambela (Kinshasa): «On nous dit que le franc s’est renforcé, mais au marché tout reste en dollars.Quand j’achète mes marchandises, on me parle toujours du taux du jour. Même si le dollar baisse, les prix ne changent pas. Nous, on ne sent rien de cette histoire de franc fort». Chantal incarne la réalité quotidienne de nombreux Congolais. Le franc congolais n’est plus une monnaie de confiance.

Il est perçu comme un instrument administratif utile pour payer les impôts, mais inutile pour faire ses courses.Professeur Jacques Ngoma, économiste à l’Université de Kinshasa: « L’appréciation du franc congolais est un phénomène macroéconomique souvent temporaire. Tant que l’État n’investira pas dans la production agricole, énergétique et industrielle, la monnaie restera dépendante de l’extérieur. Notre économie est dollarisée : nous consommons ce que nous ne produisons pas». L’économiste rappelle une vérité fondamentale : la solidité d’une monnaie dépend de la capacité du pays à produire. Sans économie réelle, le taux de change devient une illusion statistique.

Olivier Kamitatu, homme politique et ancien ministre du Plan: « La Banque Centrale s’autocongratule : le franc se serait apprécié de 10 %. Les technocrates jubilent, mais dans les marchés, rien ne change. Le franc congolais, censé incarner la souveraineté, n’est plus qu’une monnaie de second rang : bon pour payer les impôts, inutile pour acheter un repas».

Dans une tribune remarquée, Olivier Kamitatu dénonce:« la grande illusion du franc fort ». Selon lui, ce n’est pas un taux de change qu’il faut corriger, mais un système qu’il faut redresser. La question monétaire rejoint ici celle de la justice sociale.L’économie congolaise vit une contradiction profonde : une monnaie qui se renforce dans les bilans officiels, mais un peuple qui s’appauvrit dans la réalité. Ce décalage traduit une crise de confiance.

Les citoyens n’accordent plus de valeur au franc congolais,car il ne protège pas leur pouvoir d’achat. Or, la valeur d’une monnaie repose autant sur la production que sur la confiance collective. Sans politique de production nationale, la stabilité monétaire reste artificielle. Les chiffres peuvent être verts, mais les marchés demeurent rouges. « Le peuple ne mange pas des taux de change ».Cette phrase exprime parfaitement le sentiment général. Le franc congolais retrouvera sa dignité le jour où il permettra d’acheter un repas complet, de payer un soin ou d’envoyer un enfant à l’école — sans dépendre du dollar. La stabilité ne se décrète pas : elle se construit, dans les champs, dans les usines et dans les foyers.

Jonathan Tsobo Dituvanga,Journaliste-chroniqueur économique et social jonathantsoboditu@gmail.com – +243 824 149 490

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