RDC/Contrairement aux allégations de certains détracteurs, la Cour Constitutionnelle a agi conformément à ses prérogatives !

Par Pauline Bukasa

Il y a quelques mois, l’opinion publique a suivi avec une attention soutenue, le traitement des contentieux électoraux au niveau du Conseil d’Etat qui était dirigé par le professeur Félix Vunduawe te Pemako. Les candidats qui avaient remporté en toute légalité l’élection au poste de chef de l’exécutif provincial dans trois entités politico-administratives, avaient été écartés sur base des motifs fallacieux, pour voir leurs adversaires qui ont échoué, être proclamés gouverneur et vice-gouverneur de province. Face à cette situation qu’ils ont considérée comme n’étant pas conforme à la loi fondamentale, ils ont interjeté appel auprès de la Cour constitutionnelle. Après avoir minutieusement examiné les dossiers ainsi que les moyens de défense formés par les avocats de ceux qui affirment avoir remporté le vote, la Cour constitutionnelle a rendu, vendredi 22 juillet 2022, plusieurs Arrêts en matière électorale notamment dans les provinces de la Tshopo, de la Mongala, et du Maniema.
Mais, pour permettre au public de mieux comprendre cette situation et d’éviter la confusion que certaines personnes ont tenté de semer, nous proposons de recourir aux dispositions de la Constitution qui régit notre pays. En effet, dans son article 1er, la Constitution dispose notamment «que la République Démocratique du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc. Son emblème est le drapeau bleu ciel, orné d’une étoile jaune dans le coin supérieur gauche, et traversé en biais d’une bande rouge finement encadrée de jaune. Sa devise est «Justice-Paix-Travail ». Ses armoiries se composent d’une tête de léopard encadrée à gauche et, à droite, d’une pointe d’ivoire et d’une lance, le tout reposant sur une pierre. Son hymne est le « Debout Congolais » Sa monnaie est «le Franc congolais». Sa langue officielle est le français. Ses langues nationales sont le kikongo, le lingala, le swahili et le tshiluba».
L’article 5 de la même Constitution dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections et indirectement par ses représentants. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. La loi fixe les conditions d’organisation des élections et du référendum. Le suffrage est universel, égal et secret. Il est direct ou indirect.».
L’article 12 dispose que «Tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois».
L’article 150 dispose enfin que «Le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. Les juges ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi. Une loi organique fixe le statut des magistrats. Le magistrat du siège est inamovible. Il ne peut être déplacé que par une nomination nouvelle ou à sa demande ou par rotation motivée décidée par le Conseil supérieur de la magistrature». Tout est donc clair à ce propos.
Concernant la Cour constitutionnelle, il importe de savoir que cette dernière est une institution issue de l’article 157 de la Constitution de la RDC qui dispose: « Il est institué une Cour constitutionnelle.» La Cour est composée de neuf membres nommés par le Président de la République, dont trois nommés à sa propre initiative, trois choisis par le Parlement et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature. Les deux tiers des membres doivent être exercés par des juristes: avocats, juges, procureurs, professeurs universitaires. Les autres doivent justifier de la nationalité congolaise et de 15 ans d’expérience dans le domaine juridique.
Le mandat non renouvelable des membres est de neuf ans. Un tiers des membres est renouvelé tous les trois ans, le membre à renouveler de chaque groupe étant choisis par tirage au sort. Le président de la Cour constitutionnelle est élu par les autres membres pour un mandat de trois ans, renouvelable une fois. Il est investi par ordonnance du président de la République.
Des prérogatives reconnues par la loi
La Cour constitutionnelle examine les lois et statuts proposés par le Président, le Premier ministre, le Sénat, l’Assemblée nationale ou d’autres organisations gouvernementales avant leur application, afin de statuer sur leur conformité à la Constitution. En outre, la Cour examine les demandes d’interprétation de la Constitution formulées par les responsables gouvernementaux. Il règle les différends concernant les élections présidentielles ou parlementaires, ainsi que les référendums. Les appels concernant la constitutionnalité de lois ou de règlements peuvent également être déférées à la Cour. Les jugements de la Cour constitutionnelle sont sans appel et exécutés immédiatement.
Tandis que les compétences du Conseil d’État résultent des dispositions des articles no 149 et 155 de la Constitution, puis no 45 à 51 et 75 à 93 de la Loi organique no 016/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif. Ces compétences sont consultatives et contentieuses. En matière consultative, le Conseil d’État statue, selon le cas, soit par voie d’avis motivés, soit par voie de rapports ou de publications. En matière consultative, la régularité juridique comprend, dans l’ordre, la conformité à la Constitution, aux traités et accords internationaux dûment ratifiés par la République démocratique du Congo, aux lois votées par le Parlement, aux règlements autonomes et aux règlements d’exécution nationaux, aux édits adoptés par les Assemblées provinciales, à la coutume applicable conformément à la Constitution, et enfin aux principes généraux de droit. En matière contentieuse, le Conseil d’État peut solutionner un litige par voie d’un arrêt tranchant d’autorité le conflit entre parties, ou par voie d’un arrêt d’expédiant constatant un accord intervenu entre parties à la suite d’une médiation ou d’une conciliation. En tant que juridiction suprême de l’ordre administratif, le Conseil d’État statue définitivement et tranche, soit en premier et dernier ressort, soit en appel, soit en cassation et par voie d’autorité, les litiges opposant les parties et relevant de sa compétence.
Cependant, au lieu de trancher conformément à ses compétences et aux dispositions de la Constitution, le Conseil d’Etat a pris des arrêts relatifs à l’élection du gouverneur et vice-gouverneur de la Mongala, la Tshopo et le Maniema qui ont provoqué un tollé général. La ministre de la Justice, Rose Mutombo, a récusé lundi 30 mai 2022 ces arrêts du Conseil d’Etat annulant les élections des gouverneurs des provinces de la Mongala et de la Tshopo. Selon la ministre, « les arrêts ainsi rendus ne devraient pas être pris en considération, car ils jettent un discrédit sur la plus haute juridiction administrative du pays ».
C’est dans le cadre des prérogatives lui reconnues par la loi que la Cour constitutionnelle a par la suite examiné les dossiers des candidats malheureux à l’élection de gouverneur et vice-gouverneur de ces trois provinces. La Haute Cour a donc rendu des arrêts faisant suite à la requête de la Commission électorale nationale indépendante –CENI- en inconstitutionnalité des arrêts du 27 mai 2022 et du 2 juin 2022 rendus par le Conseil d’État en matière des contentieux des résultats des élections des gouverneurs et vice-gouverneurs respectivement des provinces de la Mongala, du Maniema et de la Tshopo.
La Cour Constitutionnelle «dit la requête recevable; déclare l’arrêt prononcé par le Conseil d’État pour l’élection du gouverneur et vice-gouverneur de la province de la Mongala, contraire à la Constitution et partant nul et de nul effet; dit irrecevable la demande relative à l’inconstitutionnalité de l’arrêt du 31 mai prononcé par le Conseil d’État pour l’élection du gouverneur et vice-gouverneur du Maniema; dit irrecevable la demande relative à l’inconstitutionnalité de l’arrêt du 27 mai 2022 prononcé par le Conseil d’État pour l’élection du gouverneur et du vice-gouverneur de la province de la Tshopo».
De ce qui précède, la Cour Constitutionnelle a ordonné: «pour la province de la Mongala, de considérer les résultats proclamés par la Cour d’appel comme définitifs pour l’élection du gouverneur et du vice-gouverneur de cette province.
Concernant la province du Maniema, la Haute Cour a exigé l’application de l’acte de la dernière autorité compétente alors que pour la province de la Tshopo, elle a ordonné de constater élus gouverneur et vice-gouverneur de province les bénéficiaires du dernier acte pertinent.
Il n’a pas fallu longtemps pour que certaines personnes malintentionnées qui prétendent connaître les méandres juridiques, instrumentalisent leurs hommes de main afin qu’ils tirent à boulets rouges sur la personne du juge Dieudonné Kamuleta Badibanga élu mardi 21 juin 2022 par ses pairs aux fonctions de président de la Cour Constitutionnelle. Pourtant, et contrairement à ce que soutiennent ces détracteurs, le président Kamuleta et ses juges n’ont fait que dire le droit en toute indépendance. Ils n’ont donc rien à se reprocher en matière de contentieux électoral.
Des avis techniques qui disqualifient le Conseil d’Etat
De l’avis d’un expert honnête des questions juridiques, la première dérive des juges du Conseil d’Etat était de ramener un contentieux de candidature au niveau du contentieux des résultats. En effet, dit-il, la loi électorale et les directives de la CENI avaient déjà fixé les conditions d’éligibilité des candidats. De sorte qu’après l’organisation des élections, le Conseil d’Etat, qui n’est pas le juge naturel de la validité d’une élection provinciale, ne pouvait pas se substituer à la Cour d’appel de Lisala pour déclarer l’inéligibilité d’un candidat qui avait déjà été déclaré éligible, et qui avait régulièrement concouru au vote.
Ce qu’on avait amené comme contentieux au Conseil d’Etat, c’était le contentieux des résultats. Le Conseil d’Etat devrait se limiter à la légalité des résultats lui transmis ou en contestation. Au calcul et à l’intégrité des chiffres et non des hommes: première dérive.
Par ailleurs, l’article 5 de la constitution dispose que la souveraineté appartient au peuple congolais qui l’exerce directement par vote électoral ou référendaire et indirectement par la voie de ses représentants. D’autre part, la même constitution dispose en son article 150 que le pouvoir judiciaire doit garantir les libertés individuelles et les droits fondamentaux des citoyens, et que les juges ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi.
Mais quand le juge du Conseil d’Etat proclame comme vainqueur un candidat gouverneur qui n’a eu que 6 voix sur 20 au détriment de celui à qui les représentants du souverain primaire ont attribué 13 voix, cela montre que réellement l’article 5 de la constitution est violé. Il y a également violation de la constitution dans le chef du juge du Conseil d’Etat qui ne s’est pas laissé guider par la disposition de la loi électorale qui exige que pour être proclamé élu gouverneur, un candidat doit recueillir non pas la majorité relative mais la majorité absolue. Or, 6 voix sur 20 votants ne constituent pas la majorité absolue qui est de 11 voix. Là aussi, c’est une violation flagrante de la constitution (article 150) que les juges de la cour suprême en tant que dernier rempart du bon fonctionnement des institutions ne devraient pas cautionner. C’était la deuxième dérive.
La troisième dérive du juge du Conseil d’Etat que les hauts magistrats ont anéantie se situe au niveau de la cible du jugement. Ces derniers ont considéré que le candidat César Limbaya avait usé des actes de corruption pour obtenir les 13 voix des députés provinciaux. Malheureusement, les juges du Conseil d’Etat n’avaient brandi aucune preuve matérielle et n’avaient dans le dossier aucun procès-verbal d’aveu de l’incriminé ni aucun jugement rendu par le parquet ou la Cour d’appel de Lisala à l’encontre de ce candidat qui pouvait consolider cet arrêt du conseil d’Etat. Ce dernier a manifestement fait preuve d’un excès de pouvoir que la Cour Constitutionnelle ne pouvait cautionner. Car, dans l’exercice de son action, un juge ne doit juger que les actes, les faits et non pas les intentions.
Très souvent, on oublie que les juges ne sont pas au-dessus des lois, encore moins de la constitution. C’est cela que semblent oublier certains juges des instances supérieures et surtout certains analystes peu avertis comme ceux qui ont pensé qu’en anéantissant les arrêts du conseil d’état, la cour constitutionnelle avait signé un scandale. Loin de là!
À partir du moment où la démocratie est menacée, où la constitution est malmenée, et où un juge, quel qu’il soit, se croit tout permis, la Cour constitutionnelle doit se lever en dernier rempart de la respectabilité, de la crédibilité et de la survie des institutions et donc de la nation. Il ne faut pas oublier que contrairement aux juges du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation qui sont directement nommés par le Président de la République et prêtent serment devant lui, les juges de la Cour constitutionnelle prêtent serment devant la représentation nationale. La Cour constitutionnelle peut dès lors anéantir l’applicabilité d’une loi votée par le Parlement. Elle peut anéantir certains actes du Président de la République qui est pourtant un élu du suffrage universel direct. En d’autres termes, le contrôle de la légalité des actes administratifs ne peut se faire qu’en toute légalité, c’est à dire en respectant les lois de la République. Considérer que ce contrôle n’a pas de frontières est une dérive que la Cour constitutionnelle a l’obligation de stopper.
Les détracteurs de la Cour constitutionnelle renvoyés aux études
Pour cet expert, donc, ceux qui s’évertuent à faire croire à l’opinion publique que la cour constitutionnelle a signé un scandale en anéantissant les arrêts du conseil d’Etat n’ont pas raison. Car, soutient-il, chaque juridiction du sommet de la pyramide juridictionnelle est autonome. Pour ce qui est de la Cour constitutionnelle, l’expert est catégorique: il s’agit ici d’une sentinelle souveraine de l’inviolabilité de la constitution. En conséquence, elle se mettra toujours debout toutes les fois que la démocratie sera menacée, ou que les institutions de la République seront au bord de la ruine.

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