RDC-Rwanda : Quand Tshisekedi tient un discours à double caractère,« faiblesse et trouble-fête », qui suscite « moquerie et colère » chez Paul Kagame

Le discours du président Félix Tshisekedi, tenu jeudi 9 octobre 2025 à la 10ème édition du Global Gateway Forum à #Bruxelles, est bien plus qu’un simple appel à la paix. Il révèle, dans son apparente humilité « humiliante », une stratégie diplomatique subtile qui a su pousser son homologue rwandais, Paul Kagame, dans ses retranchements, provoquant successivement moquerie et colère

Contexte de bellicosité chargé d’un accord de paix au point mort

Pour bien saisir la portée de cet échange, il faut le replacer dans le contexte récent des relations entre la #RDC et le #Rwanda. Malgré la signature d’un accord de paix à Washington fin juin 2025, le processus est dans l’impasse. Les troupes rwandaises sont toujours présentes sur le sol congolais, et les pourparlers avec le #M23/#AFC, soutenu par #Kigali, sont au point mort . Quelques jours seulement avant le forum, Paul Kagame lui-même avait reconnu cette impasse diplomatique, admettant que les nombreux efforts de médiation n’avaient pas encore abouti. C’est sur cette toile de fond tendue que Félix Tshisekedi a choisi de prendre la parole.

La main tendue de Tshisekedi : faiblesse et trouble-fête

Dans son intervention, le président congolais a adopté une posture de suppliant, en appelant publiquement Kagame à la paix: « Je prends à témoin l’assistance ici présente et le monde entier (…) pour lancer un appel à la paix, lui tendre la main et demander à ce qu’on arrête cette escalade » . Il a ajouté : « Aujourd’hui (…) nous sommes les deux seuls capables d’arrêter cette escalade » .

Sur ces entrefaites, Tshisekedi a été applaudi dans la salle. Une adhésion implicite de l’assistance, potentiels partenaires économiques à son appel.

Cette main tendue, bien qu’applaudie dans la salle, est malheureusement perçue dans son propre pays, particulièrement par l’opposition, comme un aveu de faiblesse. Elle montrait un chef d’État dont une partie du territoire est occupée par des rebelles soutenus par le voisin, et qui, en dépit d’un accord signé, ne parvient pas à faire respecter ses termes. Pour certains, c’était l’image d’une humilité nécessaire ; pour d’autres, celle d’une impuissance.

La réaction de Kagame : de la moquerie à la colère

La réponse de Paul Kagame a été immédiate et cinglante, mais en deux temps.

La moquerie méprisante : Quelques heures après le discours, sur le réseau social X, Kagame a livré sa première réaction par une métaphore assassine : « Ceux qui s’inquiètent du bruit que fait un bidon vide ont aussi un problème (…). Il vaut mieux laisser couler ou s’en éloigner » . Ce message, clairement adressé à Tshisekedi, dépeint le chef de l’État congolais comme un être creux et bruyant, dont il valait mieux ignorer les lamentations. Kagame a versé dans une tentative de ridiculiser Tshisekedi sur la place publique. Il est en colère.

La colère à vif est est perçue lorsque les officiels rwandais commencent à réagir. La réaction la plus furieuse est venue du ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe. Sur la plateforme X, il a fustigé ce qu’il a qualifié de « comédie politique ridicule », accusant Tshisekedi de « se faire passer pour une victime d’un conflit qu’il a lui-même provoqué » . Il a martelé : « Le seul à pouvoir arrêter cette escalade est le président Tshisekedi, et LUI SEUL » . Cette réaction, venant d’un haut responsable, trahit une irritation palpable au sein du gouvernement rwandais.

Le coup diplomatique : la faiblesse qui devient une force

L’analyse ne saurait s’arrêter à cette réaction. En réalité, le discours de Tshisekedi, par son double caractère de faiblesse affichée et de trouble-fête, constitue une manœuvre diplomatique habile.

▪︎Retournement de la tribune : Le Global Gateway Forum était une tribune dédiée aux partenariats économiques et aux investissements. En y évoquant la crise sécuritaire, Tshisekedi a brisé le cadre. Son message aux investisseurs était limpide : « Comment signerai-je des partenariats économiques pendant qu’une partie de mon pays est occupée et l’occupant est bel et bien dans la salle ? ». Il a ainsi habilement relié la sécurité, préalable indispensable, à tout projet de développement économique.
▪︎Forcer le partenaire-agresseur à se dévoiler : En tendant la main publiquement, Tshisekedi se place du côté de la paix et du dialogue, une position moralement intenable à refuser. Il rejette Kagame dans le rôle de celui qui refuse la paix, sous le regard des partenaires internationaux. La réaction colérique de Kigala, utilisant des insultes et des métrophes méprisantes, renforce cette perception et isole un peu plus Kagame sur la scène internationale.
▪︎Une pression accrue sur Kigali : Les applaudissements dans la salle, à la suite du discours de Félix Tshisekedi sont un indicateur crucial. Ils signalent que le message a été entendu et, dans une certaine mesure, approuvé par l’assistance. Cela exerce « une pression supplémentaire sur le Rwanda ». Désormais, si la situation se dégrade, la responsabilité en sera imputée à Kagame, perçu comme celui qui a rejeté la main tendue.

Conclusion : La faiblesse audacieuse, une arme diplomatique

L’échange de Bruxelles dépasse la simple escarmouche verbale. Il révèle un changement de tactique de la part de Kinshasa. Face à la supériorité militaire et à l’intransigeance affichée de Kigali, Félix Tshisekedi a utilisé une arme inattendue : une faiblesse assumée et transformée en accusation publique. En forçant Paul Kagame à réagir par la moquerie et la colère, il l’a contraint à révéler son visage le plus agressif devant une audience de partenaires économiques et politiques.

Ainsi, le militairement faible n’a souvent que la diplomatie pour espérer inverser les rapports de force. La « faiblesse audacieuse » de Tshisekedi pourrait bien lui avoir offert une victoire diplomatique non conventionnelle, mais potentiellement décisive, dans le long conflit qui oppose les deux nations.

Ambroise Mamba Ntambwe, Journaliste et chercheur en sciences politiques

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