RDC/Point de vue:Le gouverneur président d’un parti politique

Par Albert Yamaina Mandala

Ceux qui arpentent le boulevard Lumumba dans les deux sens jusqu’à l’aéroport international de N’Djili, ne manquent pas de constater des attroupements au niveau de la dixième rue, commune de Limete, en face du siège social du parti présidentiel, l’Union pour la démocratie et le progrès social-UDPS. Sur le petit boulevard, quartier industriel, l’on voit les drapeaux d’un nouveau parti politique qui mobilise tant de foules: l’Alliance des Congolais Progressistes. A en croire des sources concordantes, l’on apprend que cette nouvelle formation politique serait fondée par Gentiny Ngobila, actuel gouverneur de la ville de Kinshasa. Le gouverneur d’une province qui est en même temps président d’un parti politique, beaucoup s’en étonnent. Et pourtant, telle est la réalité que l’on vit à Kinshasa.
Chaque semaine, ce parti y organise des concerts, et distribuent des matériels de propagande y compris, bien entendu, des espèces sonnantes et trébuchantes, comme si l’on était en période électorale. Réfléchissons donc ensemble: la capitale est loin de retrouver ses lettres de noblesse de jadis. Les campagnes d’assainissement lancées à coup de tapage médiatique n’ont rien donné jusqu’à présent. Des tas d’immondices jonchent toujours les rues et les avenues de celle qui était Kin-La Belle. L’insécurité est montée d’un cran à travers les communes; et c’est grâce au financement du Fonds forestier national que le boulevard Lumumba est présentement ornée de belles fleurs.
Une forte campagne d’adhésion à ce parti est menée tambour battant à travers les communes et quartiers de la ville. L’on apprend même que tous les ministres provinciaux, pour ne pas perdre leurs fonctions, auraient adhéré au parti fondé par leur gouverneur. Pendant ce temps, personne ne dit mot: le président de l’Assemblée provinciale, Godé Mpoy, voire le ministre de l’Intérieur et sécurité, Daniel Aselo, n’osent rappeler Ngobila à l’ordre. Comme si l’existence de ce parti serait autorisée à un certain niveau du pouvoir en place.
Si donc tous les gouverneurs se mettent à créer des partis politiques et négligent leurs missions, que deviendront alors ces provinces où les populations manquent de tout: l’eau potable, l’électricité, les routes de desserte agricole; où les enfants traversent quotidiennement les cours d’eau à bord des petites pirogues pour aller suivre des cours dans des salles de classe montées en paille, pour regagner leurs villages avant la tombée de la nuit; où les soins de santé sont pratiquement inexistants, où les prix des produits manufacturés ne sont pas à la portée des couches sociales démunies, etc. Et puis, la constitution de 2006 autorise-t-elle le gouverneur de diriger sa province tout en étant à la tête d’un parti politique?
En conséquence, au lieu d’observer un silence coupable, toutes les autorités politiques auraient dû tirer au clair ce qui arrive depuis des semaines avec l’autorité urbaine. Sinon, le cas de Ngobila risque de faire tâche d’huile.

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