RDC/ Politique : Quelle devrait être la doctrine politique et sécuritaire de la RDC au regard de son histoire ? [Tribune]
Par Frederick Lem Amisa
L’histoire douloureuse et tragique de la RDC doit nous pousser en tant que peuple, à lever l’option de la dignité, en ayant une doctrine politique et sécuritaire qui nous convient. La RDC n’a nullement besoin de quémander la sécurité et le développement, car elle a tous les atouts. Les Congolais d’aujourd’hui et ce qui viendront doivent savoir que le Congo n’est pas un accident de L’histoire. Le colon belge avait trouvé sur cette terre d’Afrique Centrale, des Royaumes et empire organisés administrativement, politiquement et militairement. Malgré une colonisation brutale, nous avons pu obtenir notre indépendance le 30 juin 1960. Mais, cela n’a pas suffit à nous garantir la paix sociale, car nous avons très tôt perdu un Héros de l’indépendance, en la personne de Patrice emmery Lumumba, et toute la trajectoire vers la dignité, a été perturbé.
La doctrine politique et sécuritaire de la République Démocratique du Congo (RDC) devrait être profondément influencée par son histoire complexe et souvent douloureuse ci-haut évoquée, marquée par la colonisation, les conflits post-indépendance, les dictatures, et les guerres récurrentes, notamment dans l’Est du pays. Une telle doctrine devrait viser à rompre avec les cycles de violence et d’instabilité, et à construire un État fort, stable, et au service de sa population.
Voici les piliers que devrait intégrer cette doctrine, en tenant compte de l’histoire de la RDC :
I. Sur le plan politique :
- Renforcement de l’État de droit et de la gouvernance:
- Lutte implacable contre la corruption et l’impunité: L’histoire de la RDC est entachée par une corruption endémique et une impunité généralisée qui ont affaibli les institutions et appauvri la population. La doctrine doit ériger la bonne gouvernance et la reddition des comptes en principes fondamentaux, avec des mécanismes judiciaires indépendants et efficaces.
- Décentralisation effective et équitable: Face aux tentatives de balkanisation et aux tensions régionales, une décentralisation véritable, qui transfère des pouvoirs et des ressources aux entités provinciales de manière juste, pourrait renforcer l’unité nationale tout en respectant les spécificités locales. Le fédéralisme est même évoqué par certains comme une solution pour l’équilibre social et politique.
- Construction d’institutions fortes et inclusives: Après des décennies de régimes autoritaires, il est crucial de bâtir des institutions démocratiques solides, respectant la séparation des pouvoirs, garantissant les libertés fondamentales et permettant une participation citoyenne réelle.
- Consolidation de la paix et réconciliation nationale:
- Dialogue national permanent et inclusif: L’histoire de la RDC est ponctuée de conflits ethniques et de rivalités politiques. Une doctrine politique doit promouvoir un dialogue constant entre toutes les composantes de la société congolaise (groupes ethniques, leaders politiques, société civile) pour résoudre les différends pacifiquement et prévenir de futures crises.
- Justice transitionnelle et réparation: Face aux atrocités commises, notamment dans l’Est du pays, il est impératif de mettre en place des mécanismes de justice transitionnelle (commissions vérité et réconciliation, poursuites judiciaires) pour établir la vérité, reconnaître les victimes et œuvrer à la réconciliation.
- Promotion d’une identité nationale unifiée: Au-delà des clivages ethniques, la doctrine devrait encourager la construction d’une identité congolaise forte et partagée, valorisant la diversité culturelle du pays tout en insistant sur l’unité nationale.
- Indépendance et souveraineté nationale:
- Affirmation face aux ingérences extérieures: L’histoire de la RDC est marquée par des ingérences étrangères, notamment pour le contrôle de ses ressources naturelles. La doctrine doit affirmer une souveraineté pleine et entière du pays sur son territoire et ses richesses, en menant une diplomatie proactive pour défendre ses intérêts.
- Politique de bon voisinage: Malgré les tensions passées avec certains pays voisins, une doctrine réaliste devrait privilégier une politique de bon voisinage, basée sur la coopération régionale, la résolution pacifique des différends et la lutte commune contre l’insécurité transfrontalière.
II. Sur le plan sécuritaire : - Réforme et professionnalisation des forces de sécurité et de défense (FARDC, Police Nationale):
- Rupture avec les pratiques prédatrices: L’histoire des FARDC est souvent associée à la prédation sur les populations civiles, aux exactions et à une faible discipline. La doctrine sécuritaire doit impérativement mettre fin à ces pratiques par une réforme profonde, incluant la formation, l’équipement adéquat, une rémunération décente et une reddition des comptes stricte.
- Constitution d’une armée et d’une police républicaines: Les forces de sécurité doivent être loyales à l’État et à la constitution, apolitiques et au service exclusif de la protection des citoyens et de l’intégrité du territoire.
- Contrôle civil des forces armées: Pour éviter le retour à des régimes militarisés, un contrôle civil fort et démocratique sur l’armée et les services de sécurité est essentiel.
- Lutte contre les groupes armés et sécurisation de l’Est:
- Stratégie globale et différenciée: Face à la multitude de groupes armés (nationaux et étrangers) qui sévissent dans l’Est du pays, une doctrine sécuritaire doit articuler des actions militaires ciblées contre les irréductibles, des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) crédibles pour ceux qui acceptent de déposer les armes, et des efforts diplomatiques pour gérer les groupes armés étrangers.
- Sécurisation des frontières: La porosité des frontières a été un facteur aggravant des conflits en RDC. Une politique sécuritaire efficace doit inclure un renforcement significatif de la surveillance et du contrôle des frontières.
- Protection des civils et des ressources naturelles: L’exploitation illégale des ressources naturelles a alimenté les conflits. La doctrine doit garantir la protection des populations civiles et des zones riches en ressources, tout en luttant contre les réseaux de trafic.
- Coopération régionale et internationale mesurée:
- Partenariats stratégiques: La RDC peut bénéficier de partenariats sécuritaires avec des pays amis, mais ces partenariats doivent être basés sur le respect mutuel, la non-ingérence et les intérêts congolais.
- Leadership régional: La RDC, de par sa taille et sa position géostratégique, a un rôle à jouer dans la stabilité régionale. Sa doctrine sécuritaire devrait l’amener à promouvoir la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs, en s’impliquant activement dans les initiatives régionales de résolution des conflits.
Grosso modo, la doctrine politique et sécuritaire de la RDC, au regard de son histoire, doit être ancrée dans la résilience, la reconstruction et la vision d’un avenir meilleur. Elle doit prioriser la stabilité interne par le renforcement de l’État de droit et la bonne gouvernance, tout en affirmant sa souveraineté et en jouant un rôle constructif dans la région. Cela implique des réformes profondes, une volonté politique forte et un engagement durable de toutes les parties prenantes, y compris la population congolaise elle-même.