RDC/Dans un point de presse à Pullman Hôtel, Raphaël Nyabirungu tacle la Cour de Cassation à la recherche de la compétence contre Matata Ponyo

Par Pius Romain Rolland

L’affaire Matata Ponyo Mapon et consorts ne cesse de défrayer la chronique judiciaire, d’une part, et d’autre part, la chronique parlementaire au point de susciter débat dans l’opinion nationale.

Ce lundi 08 août 2022, Raphaël Nyabirungu Mwene Songi, l’un des avocats conseil du Premier Ministre Honoraire, Augustin Matata Ponyo, n’avait pas sa langue en poche, face à l’acharnement dont est victime son client. Dès procédures en procédures, d’interprétation en interprétation, la mayonnaise juridicopolitique semble indigeste au point de provoquer la nausée scientifique.

Maître Raphaël Nyabirungu Mwene Songa a fait le point sur le dernier arrêt de la Cour de Cassation dans l’affaire du détournement des fonds du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo, dont l’homme à la cravate rouge est sur le banc des accusés.

Devant la presse, le professeur Raphaël Nyabirungu a d’entrée de jeu rappelé à la presse les dix exceptions soulevées au cours des audiences précédentes relatives à l’incompétence et l’irrecevabilité de la Cour de Cassation dans cette affaire.

« Il faut donc constater que la surséance ordonnée par la Cour de Cassation n’a pas de fondement constitutionnel dans la mesure où l’exception qu’elle invoque n’as pas été soulevée par une des parties à la procédure engagée », a déclaré le Professeur Nyabirungu Mwene Songa.

Ce penaliste d’ajouter: « la constitution en son article 161 alinéa 1er, a donné et verrouillé la liste des institutions et personnalités ayant qualité pour saisir la Cour Constitutionnelle en interprétation de la Constitution. La Cour de Cassation ne peut pas saisir la Cour Constitutionnelle. Procéder ainsi serait en violation de la lettre et l’esprit de la Constitution ».

Le président des avocats du prévenu Augustin Matata Ponyo Mapon a également précisé que la suite à réserver par la constitution est à la lumière de la jurisprudence, notamment, l’État de droit, la primauté de la constitution sur toutes les autres règles de droit et le principe de la compétence juridictionnelle d’attribution.

Sur ce point, il a rappelé aux professionnels des médias que la compétence juridictionnelle étant d’attribution, le prévenu Matata Ponyo, qui a cessé d’être premier ministre en fonction au moment où les poursuites contre lui sont engagées, doit se présenter devant son juge naturel.

Poursuivant son allocution, Maître Raphaël Nyabirungu a précisé en ces termes : la Cour de Cassation devra éviter de s’ériger en une juridiction de recours ou de renvoi contre les arrêts de la Cour Constitutionnelle, et voudra bien se déclarer incompétente… Quelle que soit la juridiction qui prétendra juger Matata Ponyo Mapon, on doit se rendre à l’évidence qu’aucune juridiction ne peut le juger alors qu’il est sénateur en plein exercice de son mandat et dont les immunités n’ont jamais été levées ».
De préciser, qu’aux termes de l’article 162 en ses alinéas 3 et 4, une juridiction, en l’occurrence la Cour de Cassation, ne sursoit à statuer et ne saisit, toutes affaires cessantes, la Cour Constitutionnelle que lorsqu’une des parties à préalablement saisi la Cour Constitutionnelle par la procédure de l’exception de l’inconstitutionnalité.
Citant le Professeur Mampuya Kanunk’a- Tshiabo, le pénaliste Nyabirungu dit qu’il ( Mampuya) n’a pas manqué, à ce sujet, de relever ce qui suit : il est difficile de comprendre la décision de la Cour, dont l’unique point du dispositif dit qu’elle sursoit de statuer dans cette cause et saisit la Cour Constitutionnelle. Normalement, enchaîne-t-il, que les paragraphes qui précèdent le dispositif devraient expliquer la démarche du juge qui le conduit à la ou aux décisions figurant dans le dispositif ; ils doivent exposer la motivation du dispositif, consistant à analyser juridiquement les moyens juridiques avancés par les parties, le Ministère public et le défendeur et fondant pourquoi le juge rejette tels arguments en retenant tels autres et construit son propre raisonnement et justifie sa propre décision. Ici, poursuit-il, que la Cour de cassation aurait dû examiner l’exception telle que l’a formulée la défense et expliquer pourquoi elle accepte ou rejette cette exception ; avec la conséquence qu’en cas de rejet, le procès reprendrait pour alors examiner l’affaire dans le fond les faits reprochés à Monsieur Matata, les infractions alléguées contre lui, tandis que qu’en cas d’acceptation que l’exception est fondée, la Cour aurait dû mettre fin au procès engagé devant elle contre l’ancien Premier Ministre.

Et donc, la surséance ordonnée par la Cour de cassation n’a pas de fondement constitutionnel dans la mesure où l’exception qu’elle invoque n’a pas été soulevée par une des parties à la procédure engagée. A la limite, on peut même dire que la Cour de cassation, en se prononçant sur ce qui ne lui a jamais été demandé, a statué Ultra petita.

Pour rappel, la Cour de cassation avait décidé, le vendredi 22 juillet 2022 de la surséance à statuer et a renvoyé à la Cour de Constitutionnelle, l’affaire sur la débâcle du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo, qui implique l’ex premier ministre Matata Ponyo, l’ancien ministre délégué aux finances Patrice Kitebi et l’homme d’affaires sud-africain Glover Kristo de la firme Africom, il apparaît clairement qu’à partir de cette initiative qui lui est propre, la Cour de cassation saisit la Cour des cours en interprétation de la Constitution. Or, cette dernière en son article 161, alinéa 1er, a donné et verrouillé la liste des institutions et personnalités ayant qualité pour saisir la Cour Constitutionnelle en interprétation de la Constitution. De cette disposition constitutionnelle précitée, il est évident que la Cour de Cassation n’y apparaît pas et n’a donc ni qualité ni compétence de saisir la Cour Constitutionnelle en interprétation de la Constitution. Procéder ainsi le serait en violation de la lettre et de l’esprit de la Constitution. Par conséquent, selon l’avis du Professeur Raphaël Nyabirungu : la Cour Constitutionnelle devrait déclarer irrecevable pour défaut de qualité la demande en interprétation formulée par la Cour de cassation. Mieux, tout simplement, la Cour de cassation n’aurait pas dû tenter cette voie qui lui est refusée.
Ceci justifie cela, qu’en essayant d’assimiler l’exception d’incompétence à une exception d’inconstitutionnalité, pour en réalité demander à la Cour constitutionnelle l’interprétation d’une disponible de la constitution, la Cour de Cassation commet un détournement de pouvoir. Cette saisine en interprétation, à en croire le Professeur pénaliste Nyabirungu, n’ayant aucun fondement constitutionnel, devra nécessairement et utilement être rejetée par la Cour constitutionnelle.
Cependant, à la suite à réserver par la Cour Constitutionnelle à la lumière de sa jurisprudence, elle réservera à la Cour de cassation que dans son arrêt RP M.0001 du 15 novembre 2021 et dans celui sous R.CONST.1800 du 22 juillet 2022, la Cour des cours a déjà circonscrit un certain nombre de questions que se pose aujourd’hui la Cour de cassation et auxquelles elle a déjà donné sa réponse quand à l’Etat de droit; à la primauté de la constitution sur toutes les autres règles ; sur le principe de la légalité ; sur le principe de la compétence juridictionnelle d’attribution et sur l’interprétation stricte du droit pénal.

En conclusion, l’un des avocats conseil de Monsieur Augustin Matata Ponyo dit que les arrêts de la Cour Constitutionnelle n’étant susceptibles d’aucun recours, étant immédiatement exécutoires et obligatoires, et s’imposant aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires, ainsi qu’aux particuliers, conformément à l’article 168 de la Constitution, la Cour de cassation devra éviter de d’ériger en une juridiction de recours ou de renvoi contre les arrêts de la Cour Constitutionnelle, et voudra bien se déclarer incompétente pour ces motifs.  » Par conséquent, nous considérons que la Cour de cassation n’est pas le juge naturel d’un premier ministre honoraire et se déclarera incompétente vis-à-vis d’un Premier Ministre honoraire. Quelle que soit la juridiction qui prétendra juger l’ancien Premier Ministre Matata Ponyo Mapon, on doit se rendre à l’évidence qu’aucune juridiction ne peut le juger alors qu’il est sénateur en plein exercice de son mandat et dont les immunités n’ont jamais été levées. En tout état de cause, la Cour de cassation n’ayant ordonné que la surséance, elle demeure seule saisie de l’affaire Bukanga Lonzo et le moment venu, elle ( la Cour de cassation) se souviendra de la primauté de l’État de droit, de la suprématie se la Constitution et de la légalité des infractions, des peines et de procédures, a-t-il dit.
Enfin, à la question de Monsieur Pius Romain Rolland sur l’attitude judiciaire contre le Procureur près la Cour de cassation qui a piétiné l’arrêt de la Cour constitutionnelle en violation de l’article 168 de la Constitution, la réponse du Professeur Nyabirungu est claire : la Cour de Cassation a les mécanismes internes de discipliner un haut magistrat qui fait fie de l’ arrêt de la Cour Constitutionnelle. Et c’est décevant qu’un haut magistrat marche sur la constitution de la République. De poursuivre, si un gardien devient lui même voleur, dont le monde est en perdition, a-t-il conclu.

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